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Nombre de messages : 1247 Date d'inscription : 19/01/2007
 | Sujet: Extraits sur Emily Dickinson du site de José Corti. Jeu 17 Mai - 14:52 | |
| Je me dis : la Terre est brêve – L’Angoisse – absolue – Nombreux les meurtris, Et puis après ?
Je me dis : on pourrait mourir – La Meilleure Vitalité Ne peut surpasser la Pourriture, Et puis après ?
Je me dis qu’au Ciel, d’une façon Il y aura compensation – Don, d’une nouvelle équation – Et puis après ? (Cahier 20, N°301)
J’essayais d’imaginer Solitude pire Qu’aucune jamais vue – Une Expiation Polaire – un Présage dans l’Os De l’atrocement proche Mort –
Je fouillais l’Irrécupérable Pour emprunter – mon Double – Un Réconfort Éperdu sourd
De l’idée que Quelque Part – À Portée de Pensée – Demeure une autre Créature De l’Amour Céleste – oubliée –
Je grattais à notre Paroi Comme On doit scruter les Murs – Entre un Jumeau de l’Horreur –et Soi – Dans des Cellules Contiguës –
Je parvins presque à étreindre sa Main, Ce devint – une telle Volupté – Que tout comme de Lui – j’avais pitié – Peut-être avait-il – pitié de moi – (Cahier 25, N°532) Ce sont donc deux importants et beaux volumes bilingues qui paraissent en même temps (Claude Mouchard fait référence, pour le deuxième, à la traduction de Patrick Reumaux, Le Paradis est choix, Librairie Elisabeth Brunet, Rouen). On ne peut que souhaiter lire un même poème en plusieurs versions. C’est une voie pour accéder aux ambiguïtés qui, chez Dickinson, sont multiples. Généreusement, les volumes Corti et Casimi (The Master Letters, Saint-Quentin) offrent un relevé des traductions existantes. Claire Malroux, discrète, scrupuleuse, semble devoir ses plus nettes réussites à son affinité avec les poèmes les plus difficiles. Elle a constitué un livre passionnant en donnant “la quasi intégralité des poèmes des années 1861, 62, 63” Les poèmes d’Emily Dickinson (recréent) de la distance dans le proche. S’ils ont besoin des liens c’est pour s’y insérer, à chaque fois, en y formant une claire lacune énigmatique. Avec leurs distances internes ou leurs coupures, marquées par les innombrables tirets, mais qui ne doivent pas faire méconnaître leurs continuités tenaces, ils défont les associations attendues, pour mieux reformer d’autres liaisons où respire, neuve, la pensée. Claude Mouchard, “J’habite le possible”, in La Quinzaine littéraire, 1/15/1998
La question du rapport à l’époque, aux lieux et milieux de la création, se pose pour tout génie. On juge ordinairement que ce rapport est à l’avantage de l’artiste dont le génie transcende, les excédant de toute part, les données contingentes – pays, culture, histoire. Aisi la tentation est grande de simplifier l’image de la très mystérieuse Emily Dickinson, d’en faire un pur, éthéré génie féminin suspendu hors du temps et de l’espace, pythie laconique et farouche ne faisant entendre, à travers la sienne, que la voix des sphères. (...) À la place de ce mythe, posons un paradoxe. c’est au lieu même où Dickinson est enfermée dans son temps et son espace qu’elle échappe, par quelque trouée improbable et inouïe, à son milieu d’origine, à sa culture. (...) Peu à peu, l’abstraction vient vient compenser les défaillances du visible. Les majuscules des mots et les tirets donnent un curieux corps – comme hachuré, à éclipse – aux textes. L’écriture – poèmes et lettres – retranscrit le passage, accorde au monde évoqué une autre visibilité Patrick Kéchichian, Les défaillances du visible, in Le Monde, 22 mai 1998. . Il existe un cas Emily Dickinson. Une singularité, pour mieux dire, une sorte d’insularité. Oui, l’œuvre poétique d’Emily Dickinson est comme une île, comme un morceau de rocher au milieu de l’eau, loin de tout, isolé, récif aux arêtes vives sans lien visible avec le continent. Nathalie Crom, La croix, 11 mai 1998.
Dans une traduction ou dans l’autre, Emily Dickinson est évidemment géniale. Obsédée par la mort, sa poésie est une tentative d’élucidation de ce moment décisif où chacun rend les armes et passe dans l’autre monde. (...) Lire la poésie d’Emily Dickinson relève d’une expérience existentielle autant que littéraire. Cela revient à se plonger dans le discours d’une obsessionnelle, un poète qui a choisi de ne presque pas vivre pour voir mieux le vide qui se cache derrière toutes les vie. Stéphane Bouquet, Dickinson toujours deux fois, Libération, 9 avril 1998.
Traduit par Claire Malroux 608 pages 1998 ISBN : 2-7143-0635-1 170 F
Édition bilingueDomaine romantique | |
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