Mythe de l’origine de la cruauté et de la douceur (version 3 [il y en a deux autres, mais encore plus sérieuses, donc très chiantes]).
Il n’y a jamais eu de Dieux.
Les hommes les inventèrent pour transformer leurs mouvements naturels, irrépressibles et destructeurs, ces démons qui les font jouir et dont ils pâtissent, en expressions d’êtres dont leur existence dépendrait. De la sorte ils voulaient croire que tout faisait sens, alors qu’ils sentaient bien que ces mouvements manifestaient leur destinée, commune avec celle des animaux, des plantes, voire des minéraux eux-mêmes. Pas meilleurs que l’araignée ou l’hépatite C, pas pires non plus que la variole ou la hyène.
Les hommes voulurent croire qu’ils descendaient d’êtres au comportement excessif, et dont la démesure les conduisit à chercher à rivaliser avec les Dieux. Ce qui témoignait de leur bêtise au moins autant que de leur puissance originaire. Des hommes. Pour les punir, le roi des Dieux (ce qu’ils appelaient ainsi) instilla en leur cœur la cruauté. C’est ainsi que, depuis, l’enfant va mordre ce qui s’offre à lui, y compris le plus doux, va supplicier ce qui est faible, que chaque sexe cherchera à attiser le désir de l’autre pour mieux se refuser et s’offrir à d’autres, que les parents châtient les enfants alors même qu’ils sentent qu’ils doivent les ramener à la confiance, que les progénitures trouveront à faire souffrir leurs géniteurs, que les puissants écraseront les faibles, et que les faibles se déchireront entre eux. S’il n’y avait eu en les hommes la capacité à s’élever, imperceptiblement, au-dessus des intérêts et plaisirs immédiats, ils se seraient ainsi entredévorés.
La plus jeune des Déesses (ce qu’ils considéraient ainsi), à moins que ce ne soit le plus jeune des Dieux (ont-ils d’ailleurs un genre ?), prit dans un coffret une poudre qu’elle avait récoltée sur des fleurs qui, à peine écloses, fanent, puis deviennent fumée. La poudre de Douceur. Un vent chagrin empêcha que chaque homme en reçut suffisamment pour faire disparaître sa cruauté. Sur le front de chacun il s’en déposa, de telle sorte qu’il arrive que, soudain, les hommes se réveillent de leur pure animalité, et découvrent dans le regard des autres le rappel à soi qui impose une distance face à la fragilité de chaque autre.
C’est ainsi que les hommes, cruels par nature, sont capables de reconnaître qu’ils peuvent aller au-delà d'eux-mêmes s’ils trouvent en eux le rayon qui les guide vers ce qui pacifie leurs émotions, et les ouvre à eux-mêmes. Cependant, comme ils veulent se cacher leur grandeur, ils la confient à ces mirages qu’ils nomment les Dieux. Cela leur permet de justifier à la fois leur cruauté et leur fugitive douceur, tant chacun préfère se préoccuper de ce qu’il croit être lui-même, alors qu’il ne cesse de s’éloigner de son être authentique.
un texte philosophique sur la douceur et la cruauté
votre poésie est magnifique
amitiés
agathe