SONNET A LA LIBERTE
Je n’aime pas tes fils, car ils ne se soucient
Que de leur triste sort, leurs yeux sont sans espoir,
Leur esprit ne sait rien et ne veut rien savoir,
Mais le rugissement de tes Démocraties,
Tes règnes de Terreur, tes grandes Anarchies,
Viennent – comme la mer – mes fureurs refléter,
Et donnent à ma rage une sœur ! Liberté !
Pour cette seule cause, enchante par tes cris
Mon âme qui attend, sinon les rois pourraient,
Grâce à des fouets sanglants, de viles canonnades,
Dépouiller les nations de leurs plus sacrés droits.
Je reste impassible, et, pourtant, au fond de moi,
Ces Christs qu’on voit mourir au front des barricades,
Je suis, en quelque sorte, avec eux, Dieu le sait.
Oscar Wilde, Poésies, in Oeuvres, La Pochothèque, Le Livre de Poche, 2003.